Doit-on inventer des expériences ?

Mon point de vue n’est ici pas moral. La morale, c’est votre problème. Je ne me pose ici que sur l’utile. Est-ce utile d’inventer des expériences ? La réponse n’est pas univoque. Donc je divise la réponse en deux parties.

Oui, c’est utile

Si vous avez dans votre vie une période de latence, de glandouille intense, vous ne pourrez la servir comme cela au jury. Pour être exact, vous pourrez le faire, mais il faudra être excellent dans l’entretien. Car un jury qui fait face à un candidat qui a connu ce genre de période doit 1. d’abord se dire que ce n’est pas grave, que cela arrive à tout le monde (25 % des jurys pourront se dire cela peut-être) 2. ensuite que cette période est révolue et que vous n’allez pas vous comporter ainsi dans le programme auquel vous postulez; et là, il faut sortir l’artillerie lourde. Vous risquez de faire face à une batterie de questions, à des jurys plus ou moins aimables. Si vous vous débrouillez très bien, vous pouvez créer une vraie surprise chez le jury. Mais combien d’entre vous dans cette situation ont la capacité de faire face ? C’est pourquoi, comme tout le monde a le droit de faire des erreurs ou d’avoir une période latente, il est plus simple de combler une telle période par une expérience inventée. 

Dit autrement, vous avez le droit à une nouvelle chance; vous n’allez pas remettre en question toute votre vie en raison d’un passage à vide ! Le problème est qu’un jury qui a peu de temps devant lui, qui se fie aux signaux et à rien de plus, risque de rester bloqué sur cette période. Alors que vous avez changé; mais allez expliquer ça en ayant la certitude de convaincre…!

Cela vaut pour un redoublement également, dans le cas où vous avez la certitude que ce sera très pénalisant.

Non, ce n’est pas utile

S’il vous manque un stage, un voyage, un centre d’intérêt… bref, vous avez l’impression que la réalité serait plus belle si vous aviez telle ou telle expérience en plus. Je ne pense pas que cela soit utile. Vous ne vous rendez peut-être pas compte des autres points-clés de votre CV qui vont venir contrebalancer ce manque. C’est fondamental que vous en preniez conscience. Vous avez de la matière, suffisamment, ne cherchez pas ces prétendues expériences qu’il faut avoir.

Au palmarès des inventions, nous avons :

L’expérience humanitaire. Pourtant ce n’est franchement pas nécessaire ! Une myriade d’autres expériences peuvent remplacer l’humanitaire : une autre expérience associative, un projet dans lequel vous avez montré votre souci de l’autre, un intérêt pour le monde qui vous entoure (actualité, engagement…). 

Le stage. C’est un critère majeur lorsque vous postulez à bac+5. Mais avant, un stage est remplaçable par d’autres éléments : mémoire, petit boulot, connaissance de l’actualité et des enjeux d’un secteur, lectures…

Vous avez à votre disposition un nombre importants de points-clés de CV dont il est facile de faire l’acquisition en quelques jours ou quelques semaines. Donc en cas de manque important dans votre CV, vous pouvez combler par des points nouveaux certes, mais pas inventés.

Exemple : vous n’avez pas de centre d’intérêt en dehors du sport. Vous aimeriez bien avoir un centre d’intérêt culturel aussi. Alors, vous décidez de vous focaliser sur le cinéma et plus précisément sur les films de la Nouvelle vague. Cette expérience est bien nouvelle mais elle n’est pas inventée.

Exemple : Vous avez bourlingué en termes d’études. Vous avez par exemple fait 2 ans de médecine, sans succès. Alors, vous vous dites, pourquoi ne pas cacher une première année par une année passée à l’étranger, par exemple. Cela ne sert à rien, jusqu’à un certain point (sauf cas exceptionnel donc). Vous avez gagné en maturité, vous êtes certes passé d’un domaine à un autre mais cela peut être une vraie richesse et vous avoir permis de trouver ce que vous voulez. Ca n’en vaut pas la peine.

A savoir, quand on invente une expérience

  • Prendre appui sur des choses maîtrisées

Quitte à inventer une expérience, autant partir d’un terrain que vous connaissez déjà. N’allez pas vous inventer un an en Argentine si vous n’y avez jamais mis les pieds (vous pouvez, mais ce n’est pas le plus simple). En revanche si vous y êtes déjà allé, c’est l’occasion de prendre appui sur l’expérience. Si vous ne maîtrisez pas, une solution de repli peut-être un ami ou un proche qui a vécu cette expérience et peut vous la relater parfaitement. C’est une solution de repli, mais mieux que rien.

  • L’abstraction totale

Lorsque vous inventez une expérience, vous devez vous inventer un monde. Pas moins que ça. Il faut y passer des heures à imaginer les moindres détails, à feuilleter des guides, à rechercher des infos…

Exemple : vous vous inventez un an en Angleterre : où logiez-vous ? dans quelle rue ? a quel numéro ? qu’y avait-il devant chez vous ? quel métro preniez-vous pour vous déplacer ?… voilà donc le genre de détails que vous devez vous être appropriés totalement. Ca va vous prendre des heures car vous allez devoir inventer des anecdotes, des pratiques que vous aviez, des gens avec qui vous échangiez, des choses qui vous ont frappées…

  • L’absence de doute

Lorsque vous êtes en situation d’entretien et dès lors que vous décidez de parler d’une expérience inventée, il est hors de question que vous affichiez le moindre doute, le moindre changement de comportement. Cette expérience devient une expérience à part entière, que vous avez vécue. Si vous ne vous sentez pas de jouer le jeu, abandonnez tout de suite. C’est « oui, j’y vais » ou « non, j’y vais pas », il n’y a pas d’entre-deux.

Ce qu’on peut inventer ou pas

Une année à l’étranger. On prend appui sur un voyage déjà effectué à l’étranger ou une bonne maîtrise de la langue et on passe un an à l’étranger.

Un stage. On part d’un stage court effectué ou alors on se fait pote avec quelqu’un qui a fait un stage dans le service et on l’écoute bien sagement.

Un temps passé sur un centre d’intérêt. Un candidat à Sciences Po qui avait glandé pendant 4 ans a expliqué qu’il s’était adonné à sa passion, la musique et qu’il avait constitué un groupe et se produisait dans la rue ou sur de petites scènes (il a été admis).

Une maladie. Quitte à inventer une expérience, autant inventer un truc plus positif, non ? Par ailleurs, la maladie créé toujours la suspicion chez le jury. Surtout si vous y aller avec une main molle, en parlant de mononucléose par exemple. Il faudrait du sérieux, un bon vieux cancer, pour que ça passe. Si vous vous sentez de défendre ça… pas moi.

« Bon, j’ai bien lu tout ce qui est écrit, je suis d’accord; mais quand même, ce n’est pas bien de faire ça ! ». Ca, c’est votre problème ! 🙂

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