Les concours sont des compétitions. Et en compétition, il faut prendre en compte deux comportements :
- Sur-valorisation. C’est la façon pour certains d’exister. Ils affichent d’abord une indéfectible confiance en eux, cela vous surprend d’ailleurs de voir autant de confiance, de sérénité. Ils n’hésitent pas à vous exposer leur projet, leurs expériences avec aplomb ou avec fausse modestie (« Non, je n’ai pas plus d’expérience associative que toi, juste 3 mois dans une ONG en Inde et la Présidence de l’association Voile de l’Université »). On a tous des exemples en tête de personnes qui se sur-valorisent ; le cas n’est pourtant pas si courant ; allez 5 % des candidats. Mais 5 % suffisants pour paniquer un groupe entier !
- Sous-valorisation. Vous avez l’impression que les candidats autour de vous ont tous fait des trucs incroyables : untel a construit un orphelinat en Inde, tel autre est champion de France d’escrime ou encore celui-là a voyagé autour du monde avec un âne pendant 1 an. Cela vous impressionne et vous vous sentez tout petit. Ce cas est très fréquent, vous êtes une bonne moitié à vous sous-valoriser.
Mise au point
- Les choses incroyables : 2 %
Une étudiante de 21 ans qui a écrit le premier tome d’une trilogie sur Robespierre
Un étudiant de 18 ans qui dessine des attractions de parcs d’attractions avec une minutie et une passion impressionnantes
Un étudiant de 19 ans qui a créé une entreprise de vente de balles de golf usagées, récupérées dans l’ensemble des golfs du nord de la France
Une étudiante championne de France d’escrime et participante aux Jeux Olympiques
Un étudiant ayant remporté le Concours général d’Histoire, agrégé d’Histoire à 22 ans
Voilà des profils qui impressionnent. On est d’accord. Mais remettons-les à leur place : ils représentent 2 % des candidats. Si vous ne faites pas partie de ces 2 %, ne cherchez pas à lutter, ne soyez pas impressionnés, vous n’êtes pas en compétition avec eux. Ils sont manifestement au-dessus du lot.
Attention ! Ces mêmes candidats peuvent avoir d’autres aspects de leur personnalité qui ne plairont pas au jury et ça arrive (une candidate excellente à un Master 2 de droit, mais que le jury suspecte de vouloir trop prendre le leadership et qui pourrait mettre en péril l’esprit de la petite promo de 30 personnes du Master).
- Les choses extraordinaires (au sens de pas si ordinaires que cela) : 20 %
Un étudiant s’étant engagé avec son équipe dans l’Eco-marathon Shell et étant arrivé 3ème
Une étudiante réalisant des maraudes 2 nuits par semaine pour le Samu social
Un étudiant ayant pris une année sabbatique après son baccalauréat pour travailler en Grande-Bretagne
Un étudiant ayant effectué un Tour d’Italie à vélo
Un étudiant avec une passion pour le cinéma hong-kongais
Les choses très intéressantes sont plus fréquentes. Le jury n’est pas bluffé ; il apprécie la qualité et l’originalité des expériences, jugées suffisamment intéressantes pour donner un avantage. Cela concerne environ 20 % des candidats passant un entretien.
- Les choses ordinaires : 78 %
Le calcul est tout aussi simple qu’il est simplifié : environ 4 candidats sur 5 n’ont pas fait de choses incroyables ou extraordinaires. Il n’y a rien de mathématiques là-dedans, les statistiques sont des ordres de grandeur, à la louche. Mais suffisamment parlantes pour arriver à une conclusion : les candidats autour de vous ont fait des choses incroyables ou extraordinaires dans ces proportions, pas plus. Abandonnez donc tout de suite votre fantasme du voisin meilleur que vous.
Explications
Je vous vois venir : certes il n’y a qu’un candidat sur cinq qui a fait des choses incroyables ou extraordinaires, mais cela correspond à la proportion de candidats admis ; donc ces 22 % seront pris et pas moi, si je n’en fais pas partie.
Vous oubliez un point essentiel : toutes ces expériences sont sur le papier. En entretien, cela peut donner tout autre chose. Explications.
- Les expériences fausses, exagérées
Certains se créent des expériences et parfois même des vies entières. Seulement quand on se refait partiellement ou complètement le portrait, il faut que le travail soit impeccable. C’est rare. Donc oui, parmi les 22 %, vous avez du fake et du mauvais fake. - Les expériences mal développées
Il s’agit sans doute du point le plus important. Entre une expérience ordinaire mais très bien développée et une expérience extraordinaire mal développée, le choix est vite fait. Le jury déteste les effets vitrine.
Exemple : vous avez passé 5 années de votre vie au Brésil (belle vitrine), mais vous êtes incapable de dire autre chose que « j’ai rencontré une autre culture, ça m’a ouvert l’esprit », incapable de mettre le doigt sur des éléments qui vous ont marqués autre que des éléments connus de tous et donc pas à la hauteur de quelqu’un qui a passé 5 années là-bas.
Exemple inverse : vous êtes parti 3 jours à Londres (assez classique), mais vous êtes capable de parler de la scène musicale londonienne, de nous faire partager un concert qui vous a plu, de dresser le portrait d’un mouvement musical naissant que vous avez rencontré là-bas…
- Certaines expériences doivent être atténuées
Une partie des personnes qui sont des profils que vous percevez comme incroyables ou extraordinaires n’a pour le coup rien d’incroyable ou d’extraordinaire. Tout simplement parce qu’ils ont été passifs et non actifs.
Exemple : avoir passé 5 ans au Brésil. Mais si ce candidat a juste suivi ses parents, à moins qu’il ne soit capable de montrer son expérience individuelle, il n’y a plus rien d’exceptionnel.
- Un dossier n’est qu’une partie de l’évaluation
Les expériences, votre CV sont des fondements importants de votre entretien. Et pourtant, il y a tout le reste : le contact qui passe ou ne passe pas avec le jury, vos qualités personnelles, votre projet professionnel…
En conclusion
Ne vous inquiétez pas : les dossiers vraiment exceptionnels sont peu nombreux.
La valeur de votre candidature tient plus à ce que vous faites de vos expériences, de la façon dont vous en parlez qu’à leur nature intrinsèque.