RECEVOIR LA QUESTION
- Ne pas porter de jugement sur la pertinence de la question
Il y a mille et une façons pour le jury de connaître le candidat. Ne portez pas de jugement hâtif sur les questions du jury, elles n’adviennent jamais par hasard. Et ce qui peut vous paraître hors de propos, des questions saugrenues, sont presque toujours initiées par vous-même, sans que vous le sachiez. Mais vous devriez le savoir.
Exemple : à un candidat amorphe, ennuyeux on pourra demander « Monsieur, pouvez-vous nous faire rire ? », « Avez-vous une blague pour nous ? », « Racontez-nous quelque chose de drôle qui vous est arrivé. », « Que faites-vous pour vous amuser ? », « Qu’avez-vous fait de plus fou dans votre vie ? »
Exemple : à un candidat un peu trop propre sur lui, on demandera « Qu’avez-vous fait de plus fou dans votre vie ? », « Racontez-nous la chose la plus immorale que vous ayez faite. », « Surprenez-nous ! »
Donc remisez tout de suite la rébellion, la consternation. Evitez les formules du type :
« Je ne vois pas très bien ce que vient faire cette question dans l’entretien ! »
« Quel rapport avec l’entretien ? »
« Désolé, mais je ne vois pas pourquoi je devrais répondre à ce genre question »
Et même les tentatives de fuite signifiant que la question n’est pas pertinente :
« Si vous permettez, je vais revenir à mes stages car je n’ai pas eu l’occasion de parler beaucoup. »
Et le jugement ne passe pas que par les mots. Votre visage, votre posture peuvent en dire long sur votre état de consternation : mimique, yeux levés au plafond, colère rouge portée sur votre visage…
- Garder son assurance
Ces questions sont déstabilisantes et ont vocation à l’être. Comme le jury compte bien sur le caractère tordu de la question pour vous faire passer dans un autre registre, plus naturel, plus spontané, la meilleure façon de lui prouver que dans les 15 minutes précédentes vous n’étiez pas dans un rôle, c’est bien de garder à peu près le même ton et de pas fondre de confusion sur la question.
Cette assurance peut être conservée de la façon suivante :
- Les quelques secondes de silence. N’hésitez pas à les prendre. Elles peuvent vous paraître longues mais elles impressionnent le jury. Oui, elles l’impressionnent car c’est une posture toujours vue comme intelligente que de prendre du temps pour répondre ; et puis cela signifie que c’est vous qui donnez le tempo, vous récupérez la main.
- La réaction spontanée. Vous n’êtes pas obligé de prendre du temps pour répondre si vous avez la répartie facile. N’hésitez pas à faire preuve d’ironie ou d’humour, à réagir très vite si vous en avez les moyens. Prendre son temps n’est nécessaire qu’en cas de déstabilisation. S’il vous vient une bonne réplique, allez-y !
- Discerner le message
Les questions déstabilisantes ne viennent jamais totalement par hasard. Surtout leur contenu. Vous pouvez donc vous dire qu’il y a toujours un message.
Le fait que l’on vous pose déjà une question perçue comme saugrenue signifie sans doute que l’entretien a été jusque là très conventionnel et que le jury aimerait accéder à votre personnalité réelle.
Si le jury vous demande : « Avez-vous déjà traversé la Seine ? », « Dans quel arrondissement se trouve la station de métro Bolivar ? », c’est que vous lui êtes apparu sans doute trop « bourgeois ».
Si le jury vous demande : « Vous avez des amis ? », « C’est quoi votre côté sympa ? », c’est sans doute que le jury vous a trouvé légèrement antipathique, en tout cas pas très sociable.
Mais attention, les messages sont complexes :
Les questions déstabilisantes ont tendance à solliciter chez vous une dimension manquante. C’est le cas dans les deux exemples pris ci-dessus. Mais il peut arriver, plus rarement, que le jury mette le doigt sur une dimension très, voire trop présente chez vous. La question tordue sert donc à exagérer un point dominant chez vous pour vous rendre évident que le jury l’a sans doute trop vu.
Exemple : la question « C’est quoi votre côté sympa ? » peut très bien être lancée à un candidat qui a montré une très grande sympathie depuis le début, une sociabilité débordante. Le jury est donc ironique.
Dans ce cas, le discernement est essentiel car il va vous permettre de vous rendre compte que nous sommes bien dans ce cas plus rare et vous faire sans doute dire : « Je ne vous pas assez parlé de mes amis, vous trouvez ? ». Le risque serait que vous compreniez l’inverse et que vous en remettiez une couche sur vos amis.
Autre exemple : « Et sinon pour faites des choses un peu folles dans votre vie ? » lancée à un candidat qui est parti seul dans le désert pendant 10 jours et a monté une soirée de 2000 personnes en un mois. Même démarche : le jury n’est pas en mal de folie vous concernant mais en a plutôt vu beaucoup. Il ne s’agit donc pas de développer un nouveau point de folie mais bien de dire « Vous ne m’avez pas trouvé assez fou ? C’est d’ailleurs trompeur parce que je suis par ailleurs quelqu’un de très sérieux… ».
REPONDRE
- La forme
Ces questions peuvent être surprenantes sur le coup ; mais maintenant vous savez qu’elles peuvent arriver et qu’elles sont plutôt inoffensives, donc essayez d’assurer ces deux points sur la forme :
- Le sourire : a priori ce qui est tordu fait sourire. Ne vous en privez pas et n’en privez pas non plus le jury !
- L’aplomb : il s’agit de questions comme d’autres, qui sont certes plus brutales sur le fond et la forme mais n’ont rien d’agressif ou susceptible de vous mettre en difficulté. En tout cas dites-le vous. Garder une attitude flegmatique vous fera gagner des points.
- Le fond
Il ne s’agit pas forcément d’aller dans le sens du jury. Le plus important est d’être cohérent et de garder son assurance. Par exemple, à la question « Qu’avez-fait de plus fou dans votre vie ? », vous pouvez avoir au moins trois types de réponses différentes :
L’inversion
Vous inversez totalement la vapeur et vous surprenez le jury en annonçant quelque chose de fou : « J’ai fait Paris-Moscou, seule, en stop, l’année de mes 20 ans »
« Inversion » car vous avez interprété cette question comme pointant votre côté un peu plan-plan, pas très fou et vous offrez au jury un autre aspect de votre personnalité. Vous lui signifiez que vous n’êtes sans doute pas le mec plan-plan qu’il imagine. Vous inversez bien l’image qu’avait le jury de vous.
La confirmation
Vous persévérez dans le caractère identifié par le jury, avec assurance et sourire : « Je ne suis pas quelqu’un de fou ». Cette affirmation n’a rien de pénalisant, au contraire, elle peut coller parfaitement à votre positionnement (finance, contrôle de gestion) et donc rassurer le jury.
« Confirmation » parce que vous scellez une bonne fois pour toutes ce que le jury pensait de vous. Il n’y a aucune obligation à être fou, fun ou je ne sais quoi d’autre. Vous pensez que cela peut vous faire perdre des points ? Détrompez-vous : cela peut vous en faire gagner beaucoup car vous affirmez votre personnalité. Attention, le sourire et votre attitude positive comptent ici beaucoup car il ne s’agit pas de donner une image renfrognée de vous. Non, vous revendiquez, vous assumez, haut et fort, avec le sourire, ce positionnement non fou.
L’ironie
N’ayant rien à répondre, vous contournez la question intelligemment, avec une pointe d’audace qui, dans le cas présent satisfera le jury; cette audace consiste à donner une réponse quelque peu décalée par rapport aux attentes du jury ; mais celui-ci appréciera justement le dégourdissement dont vous faite preuve et vous passerez pour quelqu’un qui cache bien son jeu.
Exemple : « Lundi dernier, en déménageant mon appartement, j’ai descendu les 4 étages de la cage d’escalier sur la rampe. Cela faisait 2 ans que chaque jour, en descendant l’escalier j’y pensais sans jamais oser le faire, eh bien je l’ai fait ! »
Il faudra ensuite penser à rebondir sur un autre point de votre CV pour ne pas rester ainsi au milieu du gué.
2 REMARQUES FINALES
- Les questions déstabilisantes ont beau être tordues, elles font partie intégrante de l’entretien. Elles ne sont à ce titre qu’un prétexte, comme toutes les questions plus traditionnelles, à placer des points-clés de votre CV. N’allez donc pas chercher des exemples en dehors de ces points-clés si possible, quitte à opérer une petite transition.
Reprenons l’exemple de la question « Qu’avez-vous fait de plus fou dans votre vie ? ». N’allez pas chercher un saut en parachute que vous n’avez pas fait ou que vous auriez fait mais qui ne permettrait pas de rebondir avec consistance. Reliez par une transition bien faite à l’un de vos points-clés.
- Vous pouvez être confronté à des questions déstabilisantes de première catégorie. Sachant que la première catégorie, dans le milieu des questions déstabilisantes, vous emmène sur « Freud aimait-il les nouilles ? », ou « Quelle est la différence entre un pigeon ? ». Amis du surréalisme, bonsoir ! Si ces questions complètement absurdes étaient quasi-rituelles il y a encore une vingtaine d’années, elles ont tendance à se raréfier. On ne retrouve presque plus ces questions qui ont traumatisé une génération d’étudiants.