Pourquoi ?
- Votre personne, votre autonomie. La responsabilité comprend une notion d’engagement personnel, puisque c’est la capacité de prendre une décision sans en référer préalablement à une autorité supérieure. Elle porte la notion de liberté. Le jury, en vous questionnant sur la responsabilité, juge votre personne, son autonomie. Vous serez seul dans la vie, vous serez bien embauché en tant que personne, vous évoluerez en tant que personne, il est essentiel pour un jury de voir si votre personne est dotée de l’autonomie nécessaire pour répondre de ses actes, pour prendre des décisions.
- Votre rapport aux autres. La responsabilité, c’est répondre de ses actes. C’est-à-dire ne pas faire porter aux autres ce dont on est responsable et agir tout en sachant que son action peut avoir des conséquences sur les autres. C’est important pour la vie en promo, pendant votre formation, pour la bonne entente et coopération avec tout le monde. C’est essentiel dans votre future vie professionnelle.
- Votre rapport au monde. Votre action peut avoir des conséquences pas seulement sur les autres, ceux qui vous entourent mais sur votre environnement au sens large. Cette notion d’environnement est intéressante car sont touchées par votre action des choses inertes, des choses lointaines, des concepts : la nature, la santé, la liberté. Le jury veut des étudiants avec une conscience sociétale, dotés d’une éthique.
- Le leadership. « Avoir des responsabilités », « prendre des responsabilités », dans le langage courant, renvoie à une prise de leadership. Vous êtes du côté décisionnaire. Plus vous postulez à des formations visant à former « aux responsabilités » et plus il faudra suggérer au jury cette faculté.
PS : la notion de responsabilité est ici prise dans un sens « positif ». On admet que vous devez être responsable. Parce que tous les jurys, de toutes les écoles et formations, partiront de ce principe. La « responsabilité » est la notion la plus consensuelle du moment, dans toutes les sphères de la société : le politique, l’économique, le religieux… Il y a pourtant de quoi être critique envers cette notion qui peut largement être perçue comme un moyen de contrainte sur les individus, qui intériorisent des normes d’action ou de non-action. Cette fiche n’a pas vocation à développer une philosophie de la responsabilité mais bien à vous donner les clefs pour répondre dans le sens de ce que le jury attend : des personnes responsables.
Comment ?
- Indirectement
Plusieurs points-clés de votre CV peuvent permettre de jauger votre responsabilité. Quand vous parlez de vos stages, de vos expériences professionnelles, vos engagements associatifs, vos pratiques sportives, vous pouvez véhiculer de la responsabilité. Pas la peine de la clamer, le jury la déduira naturellement de votre propos. Elle doit être suggérée, rien de plus.
Exemple : « … suite à cet incident, j’ai décidé d’organiser une réunion avec tous les membres du bureau pour définir un nouveau plan d’action pour les trois mois. Cette réunion a permis de définir 3 axes de déploiement… »
- Directement
Si le jury vous interroge sur la notion de responsabilité, il faut que vous ayez surtout en tête l’acception étendue de la responsabilité, de votre responsabilité. La notion recouvre grossièrement trois niveaux :
- Répondre de ses actions sur soi
Responsabilité vient du latin « respondere », répondre de, se porter garant. Répondre de ses actes, c’est en fait en assumer toutes les conséquences.
La responsabilité est fondée sur le principe de liberté, plus précisément sur le libre arbitre. En effet, dire qu’une personne est responsable de ce qu’elle a fait, c’est dire qu’elle aurait pu s’en abstenir, autrement dit qu’elle était libre de le faire ou pas. A la question « Qu’est-ce que la liberté ? », Nietzsche répondait « C’est la volonté de répondre de soi ».
Dès lors la responsabilité est au coeur de la notion de personne, en tant qu’entité autonome. A ce titre, une personne qualifiée d’irresponsable ne peut être jugée. Elle n’a donc plus la personnalité juridique. Ce n’est plus une personne au sens du droit. Cela doit vous faire comprendre à quel point la notion de responsabilité est essentielle.
Marcel Conche résume très bien l’enjeu de la responsabilité sur l’existence du moi, du moi libre : « Philosophe, tout homme l’est. Mais la plupart des humains sont des hommes collectifs, qui abdiquent en autrui la responsabilité de leur être. » (extrait de Réponses à André Comte-Sponville).
On peut admettre une responsabilité positive, celle que nous avons à l’égard de ce que nous faisons, et une sorte de responsabilité négative à l’égard de ce que nous laissons faire. Cela donne un spectre très large à la notion de responsabilité.
2. Répondre de ses actions sur les autres
La véritable morale consiste à supporter soi-même les conséquences de ses actes, et à ne pas imposer aux autres de porter le fardeau de ses inconséquences. Au fond, seul celui qui est responsable de soi est vraiment solidaire des autres. J’ai donc de fait une responsabilité indirecte car mes actes ont des conséquences sur les autres et leur capacité d’agir (c’est un enjeu important lorsque l’on traite avec des clients, avec ses « subordonnés »…).
De cette capacité à répondre de ses actions sur les autres naît en partie l’autorité. L’autorité n’est pas une question de poing ou de bâton; mais une reconnaissance par l’autre de votre légitimité. Inclure l’autre dans vos prises de décision est donc un vecteur d’autorité.
3. Répondre de ses actions sur le Monde
L’inspirateur est ici le philosophe allemand Hans Jonas et son « principe de responsabilité » (ouvrage paru en 1979). La responsabilité, telle qu’étudiée et définie par Hans Jonas, doit interdire à l’homme d’entreprendre toute action qui pourrait mettre en danger autant l’existence des générations futures que la qualité de l’existence sur terre dans le futur. Hans Jonas a inspiré fortement le principe de précaution.
L’homme est responsable de son avenir au sens du bien commun de l’humanité.
Et l’éthique dans tout ça ?
La question de la responsabilité est très liée à l’éthique. Ne parle-t-on pas d’une « éthique de responsabilité » ?
Etymologiquement le mot « éthique » est un synonyme d’origine grecque de « morale ». Il a cependant, de nos jours, une connotation moins péjorative que « morale » car plus théorique ou philosophique. Tandis que la morale est un ensemble de règles ou de lois ayant un caractère universel, irréductible, voire éternel, l’éthique s’attache aux valeurs et se détermine de manière relative dans le temps et dans l’espace, en fonction de la communauté humaine à laquelle elle s’intéresse.
On peut distinguer l’éthique de conviction ou une éthique de responsabilité comme le distinguait le sociologue allemand Max Weber (1864/1920) qui en faisait deux principes moraux souvent contradictoires. On agit d’abord par conviction, par idéalisme, puis sous l’action de la responsabilité on agit par action réaliste.
Dans le premier cas l’action se réfère à des impératifs auxquels il s’agit d’obéir, et dans le second cas c’est dans la délibération que l’homme sage peut saisir la situation dans sa plaine singularité.
Pour faire simple, on peut donc dire que l’idéaliste agit selon l’éthique de conviction et le réaliste selon l’éthique de responsabilité.
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