Le nom
Le nom que porte un établissement peut livrer un élément d’identité intéressant. Cela ne fonctionne pas toujours car les acronymes ou noms des établissements ont souvent les mêmes racines : « Ecole nationale… », Ecole supérieure… ». Vous allez dire sans doute que les mots ne veulent pas dire grand chose; peut-être et vous avez raison pour la majorité des cas; mais il se peut malgré tout que la piste du nom soit exploitable car certains mots sont très singuliers et n’ont pas été posés là par hasard.
Exemple :
ESDES – Ecole supérieure pour le développement économique et social.
L’ESDES est une école de management post-bac. Elle fait partie de la dizaine d’écoles qui offrent toutes la même formation, à quelques choses près. Pourtant, les mots « développement économique et social » sont uniques. Quand on regarde plus près les messages de l’école, les cours, la pédagogie, on remarque une quantité plus grande de cours de sciences sociales dans l’école. On veut ici manifestement former des individus conscients des enjeux macro, sociaux et économiques, et pas seulement micro, ceux de l’entreprise. Un candidat pourra donc très bien dire :
« Je suis attentif à un élément. Dans l’acronyme d’ESDES, trois mots distinguent l’école de ses concurrentes : développement économique et social. Cela montre un positionnement singulier. Là où beaucoup d’écoles font un focus presque total sur le management, l’ESDES veut nous impliquer dans les sciences sociales. Beaucoup d’écoles l’évoquent et les sciences sociales sont dans beaucoup de maquettes de cours; mais j’ai relevé presque 4 fois plus de cours à l’ESDES. C’est donc un positionnement qui me parle et auquel je crois. »
Autres exemples :
- Mines de Nancy : même si l’école affiche aujourd’hui un positionnement sur l’innovation, les « Mines » implique encore un ancrage industriel fort. C’est un point à relever si votre projet comprend cette dimension industrielle.
- ESCE, Ecole Supérieure de Commerce Extérieur. Peu d’écoles aujourd’hui revendiquent un intérêt pour le commerce extérieur. Toutes parlent de management international, d’International Business. Ces mots peuvent marquer un positionnement plus fort sur l’export, terme plus du tout utilisé aujourd’hui, dans un contexte de firmes globales mais qui, pourtant, mériterait d’être réhabilité tant les entreprises françaises et les PME entre autres ont besoins d’exporter. Si vous êtes capables d’étayer ce positionnement par des preuves concrètes (pédagogie, professeurs, cours…), alors l’argument du nom peut être très pertinent.
Conditions à respecter pour utiliser le nom de l’école :
- vous devez appuyer le positionnement inclus dans le nom par des preuves concrètes, qui montrent que c’est bien effectif.
- vous pouvez aussi appuyer ce positionnement en prenant appui sur vos expériences personnelles. Dans le cas de l’ESCE, vous auriez pu dire : « Ce positionnement sur le commerce extérieur fait sens pour moi car je crois personnellement beaucoup aux savoir-faire des entreprise françaises du domaine du luxe, qui m’intéresse beaucoup; l’export est donc important pour moi. Et ensuite parce que beaucoup des acteurs de ce secteur sont de petite taille et que la seule façon de travailler à l’international est sans doute d’exporter. »
Les valeurs
De plus en plus d’établissements, surtout les grandes écoles, aiment afficher des valeurs : « innovation », « humanisme », « excellence », académisme ». Vous pouvez mettre en avant une sensibilité particulière à l’une d’entre elles.
Grenoble EM : « Excellence, Entrepreneuriat, Excellence ».
—> « Même si je ne suis pas un entrepreneur au sens où je voudrais créer mon entreprise, je valorise beaucoup l’atmosphère entrepreneuriale, celle qui nous met tous dans une émulation parce que des choses sont à construire, à faire émerger, et pas seulement à suivre. C’est important pour moi que GEM ait comme l’une de ses trois valeurs l’Entrepreneuriat. »
Deux écueils
- Le bullshit
Problème : ces valeurs sont souvent un ramassis de banalités, de bullshit, digne des plaquettes institutionnelles des grandes entreprises. Donc non seulement vous ne pouvez y croire mais le jury lui-même aura du mal à entendre un argument-bullshit. On pourra vous prendre pour un gentil naïf : car venir dans une école parce qu’elle affiche des valeurs évanescentes, des valeurs de plaquette (regardez, toutes les écoles disent former de managers responsables !), ça ne convainc pas grand monde.
Qu’est-ce que du bullshit ? Exemples :
– Vous avez le bullshit absolu car les termes sont totalement galvaudés, utilisés et réutilisés, bref, usés :
« La responsabilité » : tellement d’institutions disent former des « managers responsables », des « ingénieurs responsables » ! Le mot est pratique parce qu’il veut tout dire… et tellement rien en même temps.
– Vous avez le bullshit car c’est tout simplement faux, gratuit, cela ne correspond pas à la réalité :
HEC : « L’esprit d’initiative et l’ouverture sociale ». Non seulement HEC n’est pas l’école qui forme le plus à l’initiative; elle est championne dans la formation de futurs dirigeants, de cadres de la finance et du management, mais elle loin d’être un modèle d’ouverture sociale.
- Le lèche-cul
Adhérer à des valeurs est un acte fort. Vous dites au jury « on partage les mêmes valeurs », « je trouve vos valeurs nobles », forcément ça fait un peu fayot. Si on ajoute que les valeurs sont plus ou moins creuses dans la plupart des cas, vous avez donc un acte fort reposant sur du vide; vous adhérez à l’aveugle à une notion creuse. Du coup, vous pouvez passer pour franchement fayot. En gros, on sent que vous voulez faire plaisir au jury.
Eviter les écueils
Vous comprenez donc que l’appel au valeurs énoncées par l’établissement doit être utilisé avec beaucoup de prudence. Voici deux précautions que vous pourrez prendre :
- Appuyez ces valeurs par des preuves concrètes.
- Rapportez à une situation personnelle
Prenons une valeur très galvaudée : « la responsabilité sociale ». Si vous faites référence à cette valeur ainsi, cela sonnera creux et votre argument sera jugé trop facile :
« Je suis attentif au fait que l’école ait pour valeur la responsabilité sociale. Je trouve que c’est important aujourd’hui. » Force = 0 voire – 10 !
Votre argument gagnera en force si vous êtes capable d’associer à cette valeur des preuves concrètes, puisées dans ce qui est fait dans l’école et aura un impact sur votre cursus :
« Je suis attentif au fait que l’école ait pour valeur la responsabilité sociale. J’ai repéré des cours que je n’ai pas vus ailleurs, en particulier : « L’heuristique de la peur » ou « La construction de la convivialité ».
Attention à ce que ces preuves soient concrètes pour vous et ne soient pas elles-mêmes des abstractions, des éléments de communication :
« Je suis attentif au fait que l’école ait pour valeur la responsabilité sociale. Je trouve bien que l’école ait adhéré au Global Compact des Nations-Unies. » C’est évidemment de la communication institutionnelle de l’école et cela n’a pas d’impact concret sur votre parcours d’étudiant. Si cela en a, alors concentrez-vous sur ce qui va réellement impacter votre parcours.
Il gagnera aussi en force si vous êtes capable de montrer une correspondance entre la valeur de l’école et votre situation personnelle.
« Je suis attentif au fait que l’école ait pour valeur la responsabilité sociale. Je me suis engagé depuis la classe de seconde auprès d’associations écologistes. Cet engagement marque une volonté d’inclure la variable écologique dans les décisions prises par les élus locaux de ma région. Le but est de les rendre plus responsable. La responsabilité sociale mise en avant par l’école fait donc pleinement sens pour moi. »
ou « Je suis attentif au fait que l’école ait pour valeur la responsabilité sociale. Toute ma formation initiale a été faite, bizarrement, sans la moindre référence à la responsabilité sociale. Je suis ingénieur en génie civil et la responsabilité sociale devrait être au coeur de notre formation. Mon projet est toujours lié au génie civil et il est donc impératif d’inscrire ma formation à venir dans la complexité de la RSE. »
Le slogan
Certaines écoles s’offrent le luxe d’un slogan. La tendance est plutôt à la disparition de ces slogans mais il reste encore de jolies perles.
Vous me voyez venir… au royaume du bullshit, nous sommes tout en haut du château. Comme pour les valeurs, il faut être très vigilant. 80 % des slogans sont presque inutilisables en l’état car sont de la pure communication ou faits de mots passe-partout, consensuels et qui ne sont donc pas positionnant.
- Exemples des 80 %
« Ingénieur nouvelle génération ». Difficile de faire plus évasif et moins attrape-tout !
« Entrepreneur et ouvert sur le monde ». Bah voyons !
« Create, share, care ». Toujours plus fort !
« La formation humaine au coeur de notre projet ». Difficile de faire plus consensuel.
Certains slogans sont même trompeurs.
« Apprendre à oser » (HEC). Franchement, HEC n’est pas l’école où on apprend à oser. N’importe quel étudiant ou ancien de l’école vous dira que ce slogan ne sied pas du tout à l’institution. C’est dommageable car en entretien, si vous vous inspirez de ce slogan pour afficher un profil d’audacieux, de téméraire, de défricheur, cela sera contre-productif. HEC est beaucoup plus gourmand de postures plus corporate, pas exemptes d’audace, mais dans le discours, dans le verbe. L’atypisme n’est pas franchement dans la culture de la maison. La version anglaise est déjà moins trompeuse : « The more you know, the more you dare ». Elle met en avant l’académisme de l’école qui se retrouve des épreuves d’admission jusqu’à la pédagogie.
- Exemples des 20 %
« You have the answer ». A travers ce slogan, le positionnement historique de l’ESSEC est très net. L’école s’est créée et développée sur la philosophie personnaliste d’Emmanuel Mounier, fondateur de la revue Esprit. Le personnalisme est une philosophie éthique dont la valeur fondamentale est le respect de la personne. L’ESSEC marque ici sa volonté, non pas de mouler des individus, mais de leur donner les moyens d’exprimer ce qui faut leur personne, leur personnalité.
« Ecole d’ingénieurs et centre de recherche ». Le slogan est bien triste mais il a le mérite de donner un positionnement recherche à l’école. Le slogan est donc un point d’appui très pertinent pour qui voudra mettre en avant la recherche, la volonté de faire un doctorat.
Conditions à respecter pour utiliser le slogan :
- vous devez appuyer le positionnement inclus dans le slogan par des preuves concrètes, qui montrent que c’est bien effectif.
Exemple de l’ESSEC : « Ainsi, j’apprécie énormément la philosophie de le flexibilité de l’ESSEC. C’est plus que la possibilité d’aménager ses cours comme on le souhaite. C’est une confiance qui est donnée à chacun et la croyance que moi, étudiant, je dois construire autour de ma personnalité le monde qui va avec. Cette confiance en l’individu est très importante car en tant que pharmacienne, je ressens le besoin désormais de m’inscrire dans ce rapport de co-construction plus que construction d’un moule autour de moi. »
- vous pouvez aussi appuyer ce positionnement en prenant appui sur vos expériences personnelles.
Exemple de l’ESSEC : « Cette philosophie est plus qu’un petit supplément d’âme; elle st pour moi essentielle. Je suis arrivé à Paris, seul, pour étudier en classe préparatoire. Je ne connaissais personne, j’étais dans un lycée réputé difficile et strict, je me suis débrouillé seul, jusqu’à travailler pendant l’été pour payer une partie de ma vie quotidienne. Je crois énormément en la force de chaque individu. Et c’est important pour moi de m’inscrire dans une école dans laquelle la personne a une place centrale. »
Attention enfin aux slogans. Ils ont vocation à positionner l’établissement et du coup, ça fonctionne, beaucoup y croient. Exemple : EMLYON forme des « Entrepreneurs for the world ». Résultat : la moitié des candidats met avant la dimension entrepreneuriale de l’école, occultant tout le reste. Problème : ils se retrouvent tous à répéter la même chose, ce qui ennuie profondément le jury et surtout les met dans la catégorie moutons.